« Élevée à l’art surréaliste du lapsus, experte en glissements dans sa conversation comme dans son œuvre, l’artiste aime à jouer des mots comme des signes du réel : « difficile, quand on est obsessionnelle comme moi, de ne pas voir des signes partout », s’amuse-t-elle. Son art consiste ainsi avant tout à arpenter ce « Ministère des coïncidences » » qu’évoquait Marcel Duchamp, un de ses « cobayes » esthétiques préférés.(...)

Au fil des ans, Anne Deguelle a ainsi appris à plonger dans le passé pour le lire comme une constellation de sens et multiplie les interventions dans ce domaine. Elle aime parcourir au présent le destin de grandes figures de l’art, de Beuys à Duchamp, « histoire de comprendre comment on refaçonne l’histoire » – c’est ainsi que, de 1986 à 1996, elle enregistre d’année en année le passage du temps sur la nécrologie de Beuys arrachée à un Libération, son jaunissement progressif –. Elle aime, surtout, travailler au corps le lieu qui l’invite : nourrie d’in situ, elle ne peut se détacher des réalités qui l’accueillent, les occulter, les refuser. Au contraire elles infusent son travail, elles lui donnent énergie, elles lui construisent un inconscient. Poétique archéologie qui dit autant de nos temps présents que de leur passé.»

Extraits du texte d'Emmanuelle Lequeux paru dans le catalogue de Maubuisson Abbey Road en 2005.