La chambre

Avec La Chambre, Rosella Fida ouvre un espace qui n’appartient à aucun plan tangible. Cette chambre n’a ni murs, ni meubles. Elle est faite de souvenirs troubles, de résonances sensorielles, de gestes suspendus dans une matière en attente. Elle est fantasmale — au sens le plus vibrant du terme : un lieu intérieur, irrésolu, traversé de visions, hanté par le geste même de créer.

Tout commence dans un dessin d’enfant. Celui de sa petite-fille, tracé sans intention, avec la liberté de ceux qui ne savent pas encore qu’ils dessinent. Ce trait brut, presque magique, agit comme un appel. Il déclenche un basculement. Une reconnexion. Fida retourne alors dans sa propre chambre — non pas une pièce d’enfance, mais une chambre rêvée, plus ancienne encore, faite de pulsions archaïques, de formes enfouies. C’est là que les oeuvres naissent, non comme des réponses, mais comme des apparitions.

L’exposition est traversée par cette matière flottante, presque onirique. Les oeuvres — dessins, peintures, gravures, sculptures — ne forment pas un discours, mais une constellation de signes, de présences presque spectrales. surgies d’un lieu sans temps. Ce ne sont pas des oeuvres à regarder. Ce sont des formes à percevoir à travers un voile : ce qui apparaît dans la chambre n’est jamais tout à fait là, jamais tout à fait ailleurs non plus.

Il y a du songe, du refoulé, de l’appel intérieur dans cette proposition. On y ressent la tension entre deux gestes : celui de l’enfant, immédiat, instinctif, inconscient ; et celui de l’adulte, chargé de mémoire, de technique, mais en quête d’un oubli fertile. Entre les deux, un dialogue sans mots s’installe. Une chambre à deux voix, où circulent les échos d’un passé commun et inconnu.

Rosella Fida travaille à partir de la matière — terre, bois, papier — mais ce qu’elle donne à voir n’est jamais seulement matière. C’est la trace d’une présence, l’empreinte d’un mouvement intérieur, quelque chose qui a traversé le corps avant d’être forme. Elle ne cherche pas à dire. Elle cherche à laisser advenir.

La Chambre n’est pas une exposition à expliquer. C’est un lieu à traverser, un interstice entre visible et invisible, entre le souvenir et l’imaginaire. Une chambre intérieure, fantasmale, que chacun peut reconnaître en silence.