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Bernard DUFOUR : « L’homme qui aimait les femmes »

11 octobre 2016 Arts visuels, Coup de coeur

Sonia REYNES

Nous avons perdu récemment un grand peintre, au parcours étonnant : Bernard Dufour. Qui aurait pu prédire que cet ingénieur agronome deviendrait artiste ?...

Ma première rencontre avec cet illustre peintre eut lieu à l’occasion du vernissage de son exposition à l’Atelier Blanc, en 2008.

Sa première parole en me voyant fut « de loin, je vous ai pris pour Catherine Millet ». Je me souvenais alors, que cette grande dame de l’art (et amie du peintre) avait édité 7 ans auparavant, un ouvrage de photographies intimes et érotiques… Le décor était planté !

Très vite, par l’intermédiaire de son ami René Caussanel, nous avons envisagé l’idée d’une exposition à la Galerie Sainte-Catherine… Afin de sélectionner les œuvres à présenter, nous nous sommes tous retrouvés dans sa maison de maître près de Foissac.

Quelle étrange et fascinante demeure, cet ancien moulin. Une lourde bâtisse en pierre cernée d’une ceinture de buis au cœur d’un parc arboré. L’intérieur était resté figé dans une autre époque : de magnifiques parquets en bois à la française, de lourds rideaux de velours noirs côtoyaient des œuvres d’art africain et les toiles posées ça et là… Il nous reçut dans sa cuisine, noire, patinée par la suie de la vieille cheminée. Le lieu était à l’image du personnage : impressionnant.

S’ensuivit une discussion sur le contenu de l’exposition et sur le public de la Galerie. Bernard Dufour était farouchement opposé au principe de présenter des expositions aux enfants. L’idée de la salle interdite au moins de 18 ans, fut rapidement abandonnée. Et comme par ailleurs, il avait été meurtri par les réactions vives provoquées par son exposition à la Chartreuse de Villefranche-de-Rouergue en 1996, il fit un choix « plus sage » : des dessins et deux séries de photographies.

C’est à ce moment-là, que je lui fis part de ma propre réaction lors de la visite de son exposition au Musée Denys-Puech (où il co-exposait avec Dado) en 1994.

Rarement, une exposition de peinture avait produit un tel effet sur moi : un grand nu masculin aux jambes écartées et démesurées accueillait les visiteurs en haut de l’escalier monumental, armé d’un appareil photo, rivé sur le visage. Le ton était donné. Dans les salles, les murs étaient couverts de grandes peintures de nus de sa femme, le corps offert au regard du visiteur. Les poses étaient osées. Aussitôt, je ressentis l’impression d’être voyeur et cherchai à m’éloigner des caméras de contrôle tant le trouble était grand. Il s’agissait presque d’une mise en abîme de voyeurisme ! Mon témoignage fut accueilli par un petit sourire malicieux qui me fit penser que mon ressenti était celui espéré…

Enfin, vint le jour du vernissage. La Galerie ne pouvait contenir la totalité des visiteurs. M. Dufour était heureux. Nous étions inquiets pour sa santé que nous savions fragile et guettions tout signe de fatigue. C’est ainsi que nous lui proposions un siège qu’il rejeta avec énergie. Il résista toute la soirée avant de s’écrouler dans l’intimité de la voiture d’un ami. Il ne fallait rien laisser paraître ! Le spectacle devait continuer ! Quel grand Monsieur, Monsieur Dufour. Vous nous manquerez.

 

Remerciements à Christian Palis pour la photographie prise au moment du vernissage de l'exposition.